En ouverture, j’entends la musique de Thomas Newman, génial compositeur du soundtrack du film éponyme tiré de ce roman là et qui parfaitement pose l’ambiance de cette histoire du sud des Etats-Unis en Alabama. Se jeter dans l’huile bouillante de cette friteuse littéraire c’est finir par se faire dévorer comme les beignets de l’histoire et ne pas en ressortir indemne. C’est un livre sentimental pour les sentimentaux, oui j’avoue mais cette légèreté est bonne quand elle incarne les choses simples de l’existence en mettant en exergue des valeurs peut-être pour qui niaises mais infiniment réconfortantes pour qui encore le cynisme n’est pas passé par lui/elle.
Ainsi, nous débarquons dans la vie d’Evelyn une quinquagénaire Américaine en surpoids qui s’ennuie fermement dans sa vie et qui sans être soumise peut être qualifiée de bonne poire. Sa vie durant Evelyn n’a eu cesse de donner satisfaction, de se plier en quatre, de courber l’échine pour ne pas se montrer contrariante envers son prochain qui lui rend comme tous prochains, pas ou mal très. Ce schéma de vie, non hélas, semble arrivé à son terme. Evelyn est devenue une sorte d’automate désincarné qui n’a plus de goût pour rien ni quoi. On la soupçonne d’être dépressive, elle l’est assurément. C’est en se rendant dans une maison de retraite pour visiter la vieille tante de son gros époux qui l’accueille avec fin de non recevoir que la donne pour notre aimable héroïne va changer. Ici, dans le salon de la maison de retraite, Evelyn bouleversée par l’accueille de sa tante par alliance va faire la rencontre de Ninny. La charmante vieille dame et Evelyn font faire connaissance et bientôt Evelyn deviendra le témoin privilégié des souvenirs de sa nouvelle amie.
Retour dans le passé. Ninny raconte. Le Sud, sa moiteur, le racisme, le KKK, le sexisme, une disparition, un meurtre, la mort.
Il y a dans ce cadre la forte tête Edgie et la douce Ruth que tout oppose mais qu’un événement tragique rapproche.Toutes deux ont ouvert un établissement : le Whistle stop café, dans lequel ,devenues inséparables, elles servent des beignets de tomates vertes, spécialité devenue fameuse et pour laquelle on se déplace.
Un autre événement façonnera la légende de ces beignets, un événement spécial qui leur donnera un goût nouveau… « tout est dans la sauce » paraît-il…
Selon ses visites et l’avancé de l’histoire de Ninny, Evelyn dépendante de cette relation mûrit, se fabrique un alter ego guerrier : Towanda , sorte de substitut transitoire qui l’aide à accompagner son changement, son évolution. Car c’est une Evelyn changée, confiante dont nous suivons le cheminement psychologique, soutenu par le personnage d’Edgie qui l’impressionne beaucoup et dont le caractère généreux et solide l’inspire et l’encourage.
Il est fort à parier que beaucoup de lecteurs retiendront aussi et surtout le couple Edgie et Ruth. Si certains choisiront d’opter pour définir leur relation comme une amitié amoureuse, d’autres et selon le témoignage de la vie personnelle de l’auteure, assiéront l’idée avec force certitude que ces deux là s’aimaient d’Amour. La résistance de leur lien face aux épreuves de leur vie commune inspire à faire tomber les barrières du genre pour soulever l’idée d’un Amour universel partagé et analogue au cœur humain.
Beignet de tomates vertes de Fannie Flagg est un roman sur la seconde chance, sur la vieillesse et le don de soi. Ces beignets-ci consolent et réconfortent sur la possibilité d’un monde un peu meilleur pourvu qu’on trouve avec qui le faire.
